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Nantes. « Tombé dans la Loire, j’ai eu beaucoup de chance »

Jérémy Bécue, 24 ans, fait partie des personnes tombées dans la Loire quai Wilson à Nantes, dans la nuit de vendredi à samedi. Il fuyait l’intervention des policiers sur le sound system de la Fête de la musique. Il a été secouru. Opérateur dans l’industrie chimique, habitant Saint-Colomban, il témoigne « pour que ce genre de chose ne se reproduise plus ».

Jérémy pense aux amis (ici lundi devant la Loire survolée par un hélicoptère pendant les recherches) et à la famille de Steve Maia Caniço : « Ils ont besoin de soutien ».
Jérémy pense aux amis (ici lundi devant la Loire survolée par un hélicoptère pendant les recherches) et à la famille de Steve Maia Caniço : « Ils ont besoin de soutien ». | PHOTO PRESSE OCÉAN – NATHALIE BOURREAU
  • Jérémy pense aux amis (ici lundi devant la Loire survolée par un hélicoptère pendant les recherches) et à la famille de Steve Maia Caniço : « Ils ont besoin de soutien ».
    Jérémy pense aux amis (ici lundi devant la Loire survolée par un hélicoptère pendant les recherches) et à la famille de Steve Maia Caniço : « Ils ont besoin de soutien ». | PHOTO PRESSE OCÉAN – NATHALIE BOURREAU

Sa soirée

« Je suis arrivé sur place vers 2 h du matin, après le travail. L’ambiance était bon enfant. Tout le monde s’amusait. Tout le monde parlait. Tout allait bien. J’ai retrouvé quelques amis et passé une partie de la nuit avec eux. Vers 4 h, je n’étais plus qu’avec un ami.

Le couvre-feu était à 4 h. Pas mal de murs l’ont respecté. Il y en a juste un, près de ce qu’on appelle le bunker, qui n’a pas voulu couper. Enfin, il a d’abord coupé quand les policiers lui ont demandé une première fois. Là, il y a eu des insultes contre eux : dans l’euphorie, on voulait continuer à s’amuser. Les policiers sont partis un peu plus loin. Le DJ a remis une dernière musique. Pas du tout de la techno comme avant, mais une chanson antifa que tout le monde connaît. Tout le monde a chanté. »

L’intervention de la police

« La police est revenue et, sans prévenir, a commencé à jeter des grenades lacrymogènes. J’ai lu dans la presse qu’ils auraient reçu des projectiles. Moi, je n’ai vu aucun objet voler dans leur direction avant leur intervention. Après, peut-être mais je ne voyais plus rien. J’ai fait pas mal de manifestations et j’en ai marre du gaz, j’ai donc voulu m’écarter assez vite mais sans courir car ça pouvait être dangereux. »

La chute

« J’avais le visage et les yeux qui me brûlaient à cause du gaz lacrymogène. Dans la fumée, on ne voyait pas à un mètre. À un moment, j’ai mis le pied dans le vide et je suis tombé dans l’eau. J’ai sorti la tête de l’eau assez vite. J’ai regardé autour de moi pour trouver quelque chose pour m’accrocher. J’ai vu deux cordes en V mais avec le courant je n’ai pas pu les atteindre. Je me suis laissé porter par le courant sur quelques mètres et j’ai pu attraper une autre corde. »

Dans l’eau

« En tout, j’ai dû rester accroché entre 5 et 15 minutes. Je ne sais pas trop. Ça semble long. J’ai entendu quelques personnes tomber dans l’eau, dont un homme qui passait à un mètre de moi en appelant à l’aide. Je ne l’ai appris que plus tard, mais il s’était luxé une épaule. J’ai tendu le bras, je l’ai attrapé par le col et je l’ai ramené vers la corde. Et on a attendu. Il y avait deux autres personnes un peu plus loin. Il y en a un qui criait que quelqu’un se noyait. »

Le sauvetage

« Un canot est venu nous récupérer tous les quatre. Dans le bateau, le blessé à l’épaule a reçu les premiers soins. On nous a donné des couvertures de survie puis on nous a ramenés sur un quai, plus loin, où les pompiers nous ont pris en charge dans leur camion. Puis ils nous ont amenés aux urgences après avoir argumenté avec le médecin au téléphone. Apparemment, il ne voulait prendre que le blessé à l’épaule. »

Pas de séquelles

« À l’hôpital, ma température était à 36,2° mais je pense m’être réchauffé un peu pendant le trajet. J’imagine qu’elle était tombée plus bas. Aujourd’hui, physiquement, ça va. J’ai dû faire un plat en tombant dans la Loire donc j’ai quelques bleus sur la jambe et la fesse, côté droit. J’ai eu beaucoup de chance.

Mentalement ça va aussi. Mais ça me fait ch… pour Steve (Ndlr : le jeune homme porté disparu depuis samedi). Je pense à ses parents… Cela aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre nous. »

Plainte

« L’intervention de la police ? Je la trouve violente, inutile, débile. Intervenir comme ça au bord de l’eau avec tout l’attirail, les chiens, la lacrymo, les LBD, les gazeuses, alors que nous, nous sommes en short et en t-shirt, sans protection. C’était une réaction surdimensionnée. Je n’ai pas compris.

L’association Freeform recherche les personnes tombées dans la Loire pour compiler des témoignages et déposer une plainte collective. Je participerai à cette démarche. Pour marquer le coup, pour que cela ne se reproduise plus. C’est plus anecdotique, mais j’ai aussi perdu pour 300 à 400 € de matériel dans mon sac (deux téléphones, une enceinte, un casque…). »

Manifestation

« Une manifestation se prépare. Peut-être pour samedi. J’y serai. Pour Steve. Pour ses proches. Ils ont besoin de soutien. »

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